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Chroniques
musique spatiale du XXe siècle
œuvres de Boulez, Grisey, Harvey, Maresz et Saariaho
On le sait, Montpellier accorde une place importante à l’art de son temps. Il suffit pour cela de considérer les expositions Viallat et Combas qui accueillent les visiteurs cet été (respectivement au Musée Fabre et au Carré Sainte-Anne), de se souvenir du mini-festival Figures du siècle ou encore de la programmation des opéras What next ? et Einstein on the Beach [lire nos chroniques des 30 novembre 2012 et 16 mars 2012]. Mais les autochtones sont malheureusement en vacances puisque c’est un public assez maigre qui assiste aujourd’hui au concert de musique spatiale supervisé par Gilbert Nouno, cerné par une trentaine de haut-parleurs – ne comptons pas sur les touristes présents à Zingari pour remplir la Salle Pasteur !
Le programme débute avec Accords perdus (1988), cinq miniatures pour deux cors en fa écrites par le regretté Gérard Grisey (1946-1998), dans l’héritage des Espaces acoustiques [lire notre critique du CD] – on songe aux quatre cors d’Épilogue (1985), au terme d’un cycle qui se voulait « un grand laboratoire où les techniques spectrales sont appliquées à diverses situations (du solo au grand orchestre) ». Dès Mouvement, Hugues Viallon et Antoine Dreyfuss captent l’attention par un flux continu, fusionnel et « mystérieux » qui se fera plus syncopé par la suite.
Pour sa part, Lonh (1996) précède L’amour de loin (2000) – les mots de Jaufré Rudel inspirant Kaija Saariaho (née en 1952) avant que la vie du troubadour ne soit mise en scène dans son premier opéra [lire notre critique du DVD]. La bande enregistrée est un montage de sons instrumentaux et naturels qui crée « une enveloppe de sens pour un poème dont la langue nous échappe aujourd’hui » (dixit Clément Lebrun). À peine sortie de la version chambriste de La passion de Simone – en création française le 27 mai dernier, cinq ans après l’original [lire notre chronique du 17 juin 2009] –, le soprano Raquel Camarinha retrouve l’univers de la Finlandaise qu’il magnifie d’une voix soyeuse et corsée.
« J'ai toujours été fasciné par les changements de caractères qu'offre l'utilisation des sourdines sur les instruments de cuivre, démultipliant ainsi leur possibilités expressives », confie Yan Maresz (né en 1966), qui a choisi la trompette pour Metallics (1995/2001). D’abord conçue avec bande pour évoluer vers le traitement en temps réel, cette pièce offre une riche palette de climats et de sonorités, que traverse Johann Nardeau en virtuose [photo]. Agissant par nappes ou déflagrations, l’électronique se déploie ici avec une ampleur que n’offrent pas toujours des salles plus étroites (Ircam).
Après l’entracte, nous retrouvons deux classiques de la fin du XXe siècle : Mortuos plango, vivos voco (1980), puis Dialogue de l’ombre double (1985). Dans la première, Jonathan Harvey (1939-2012) spatialise les interactions entre une cloche de cathédrale et une voix de jeune garçon, tandis que la seconde permet à Pierre Boulez, en cadeau d’anniversaire à Berio, vingt minutes d’échanges entre une clarinette et sa propre « ombre », enregistrée au préalable. Au centre d’un cercle de sept pupitres – abandonnés l’un après l’autre, dans une douce pénombre –, Jörg Widmann offre sans conteste plus d’assurance que les étudiantes entendues récemment et, du coup, moins de caresse que de moquerie [lire notre chronique du 8 juillet 2014].
LB